Le jeu d’échecs comme reflet de la géopolitique mondiale

 


Dimanche 21 avril 2024, à Toronto, c’est un Indien de 17 ans, Dommaraju Gukesh, qui a gagné le tournoi des candidats. Il affrontera donc le chinois Ding Liren pour tenter de lui ravir le titre de champion du monde. Cet événement doit être considéré à l’image de l’essor de la Chine et de l’Inde sur la scène géopolitique internationale.    


Le 31 août 1972, à Reykjavik en Islande, l’Américain Bobby Fisher défait le champion du monde en titre, le Soviétique Boris Spassky. L’événement marque un tournant dans la Guerre froide et finira par entrer dans les manuels scolaires. En 1985, c’est Garry Kasparov qui bat le champion du monde en titre depuis 1975, Anatoli Karpov. Ce match, non moins homérique que le précédent, marque la victoire de l’opposant politique annonçant la pérestroïka contre l’apparatchik du régime. À la fin de la Guerre froide, en 1993, une période d’instabilité se retrouve aussi dans le monde échiquéen, avec deux championnats du monde en parallèle,
l’un « classique », l’autre organisé par la FIDE (Fédération internationale des échecs). Depuis 2006, les titres sont réunis : un Indien, Viswanathan Anand, conserve le titre pendant cinq ans (2007-2012) avant de laisser le titre au Norvégien Magnus Carlsen (2013-2021). Actuellement c’est le chinois Ding Liren qui porte la couronne puisque Carlsen n’a pas voulu défendre son titre.
 


Pour savoir qui aurait l’honneur d’affronter ce premier champion chinois de l’histoire du noble jeu, un tournoi des candidats était organisé en ce mois d’avril, à Toronto, entre les huit meilleurs joueurs du moment qui lorgnaient sur le titre suprême. Parmi eux, trois Indiens, deux Étasuniens et deux représentants des pays de l’ex-URSS. Première dans l’histoire échiquéenne, c’est un jeune de de 17 ans qui a remporté ce tournoi des candidats, Dommaraju Gukesh, mieux connu dans le milieu sous le nom « Gukesh D », ou « Guki ». Le Russe Ian Nepomniachtchi, vice-champion du monde, était contraint de jouer sous le drapeau de la Fédération internationale des échecs en raison des sanctions contre la Russie.  


Chez les femmes – puisque dans toutes les compétitions d’échecs il y a un tournoi ouvert à tous et un réservé aux femmes – on retrouve la même domination de l’Inde et plus encore de la Chine : deux Chinoises sur le podium et une Indienne à la deuxième place. C’est donc Tan Zhongyi qui aura le privilège d’affronter sa compatriote Ju Wenjun. La prochaine championne du monde sera donc forcément chinoise et, chez les hommes, c’est l’Indien Dommaraju Gukesh qui part favori. 


Prêter davantage attention aux compétitions d’échecs permettrait assurément de se rendre compte de l’évolution de la géopolitique mondiale et peut-être, soyons optimistes, d’aider les diplomaties occidentales à se repositionner, que ce soit en Ukraine ou à Gaza, face à ce qu’il faut bien appeler, là encore, des échecs.